Héritage et hypertextualité dans les Mondes romans du Moyen Age à nos jours
Argumentaire du colloque
L’objectif du colloque « Retours à l’Apocalypse » est de mettre en évidence les liens unissant ce corpus apocalyptique antique et la tradition culturelle propre aux mondes romans depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours, afin de dégager l’empreinte de ce modèle sur les arts, la littérature et les conceptions religieuses, historiques et socio-politiques des aires culturelles romanes, depuis une perspective à la fois diachronique et synchronique. Sans prétendre à une exhaustivité que l’ampleur du champ apocalyptique rend inévitablement illusoire, ce colloque se veut donc éminemment pluriel, tant du point de vue des aires géographiques et des époques abordées que de celui des disciplines mises en œuvre, puisque Histoire, Littérature, Études visuelles, Sciences sociales et politiques sont invitées à y dialoguer. Parmi les approches et les objets d’études pouvant enrichir la réflexion commune proposée par cette rencontre, les intervenants sont invités à se pencher principalement sur les relations suivantes :
- Toute reprise littérale ou réécriture directe de passages des textes apocalyptiques.
- Toute reprise littéraire ou rhétorique d’éléments narratifs, symboliques ou stylistiques des textes apocalyptiques.
- Toute représentation visuelle (peinture, gravure, sculpture, photographie, cinéma) d’éléments narratifs ou symboliques des textes apocalyptiques.
- Toute reprise directe des textes apocalyptiques par les conceptions culturelles postérieures, dans les domaines religieux, historique ou socio-politique.
Les relations entre les textes apocalyptiques et les objets d’étude de ce colloque peuvent donc être variées, depuis la relation métatextuelle des commentaires et exégèses, jusqu’aux résonances conceptuelles sur la formalisation d’une pensée, en passant par tous les rapports possibles d’hypertextualité (citation, imitation, plagiat, parodie, pastiche, etc.), des relations que l’on ne restreindra pas aux seules sources textuelles, mais que l’on pourra ouvrir aux différents arts considérés.
Parmi les éléments génériques, textuels et symboliques pouvant retenir l’attention des intervenants, certains sont communs à la tradition apocalyptique dans son ensemble, tels que :
- Le statut de révélation divine (portant, conjointement ou non, sur les mystères divins, sur la signification véritable des événements passés, présents ou à venir, sur l’eschatologie) ;
- Le recours à des songes ou à des visions, qui impliquent, d’une part, la modalité textuelle du descriptif (emploi de l’hypotypose, de l’ekphrasis, de l’énumération, etc.) et, d’autre part, une forte présence du symbole et de l’allégorie ;
- La présence d’un prophète ou mystagogue, chargé de recevoir la révélation, mais aussi de la transmettre au reste des hommes (ce qui lui confère un statut de témoin et induit souvent l’utilisation d’une narration homodiégétique) ;
- L’existence d’un mécanisme d’exégèse, souvent inclus dans le texte et indispensable du point de vue de la réception, qui multiplie les interprétations et commentaires de ces textes ;
- La recherche d’un effet perlocutoire, qui par le biais d’annonces, de promesses et/ou de menaces, visent à consoler et/ou à provoquer un changement de comportement.
Enfin, si l’on considère l’écrit apocalyptique par excellence que constitue l’Apocalypse de Jean, on peut ajouter à cette liste d’éléments génériques la présence d’un certain nombre de motifs et de symboles plus spécifiques :
- De multiples visions angéliques et/ou cataclysmiques, parmi lesquelles la vision du trône de Dieu, entouré de vingt-quatre vieillards et de quatre êtres emplis d’yeux et à six ailes ; la vision des sept sceaux (qui incluent celles des quatre Cavaliers et des sept anges à sept trompettes) ; la vision des sept anges portant les sept coupes d’or de la colère de Dieu ; la vision des sept figures mystiques, dont la Bête et le Faux-prophète.
- Une symbolique numérale importante, en particulier des chiffres 7, 10 et 12, ainsi que le célèbre 666 de la Bête.
- L’image de Babylone, la grande prostituée, symbole du Mal et de sa chute.
- L’idée d’un affrontement final entre le Bien et le Mal (situé à Armageddon).
- La composante millénariste, étroitement liée à la perspective eschatologique : Satan enchaîné pour mille ans, puis délivré, mais finalement jeté dans un lac de de feu et de soufre ; l’annonce du Jugement final, débouchant sur une seconde mort ou sur la résurrection et la promesse de la Nouvelle Jérusalem pour les élus.
- On peut ajouter à cette liste la figure de l’Antéchrist, qui, bien que n’apparaissant pas dans l’Apocalypse, a été très rapidement reliée à la Bête et au chiffre 666.